« Lettre au peuple Tunisien,
Aujourd’hui, alors que je pensais vous écrire, je fais une découverte. Savez-vous que Tounsi, nom qui désigne ce pays qui m’a offert son sol quelques années, dans ma langue maternelle (Ghomalà du Cameroun), signifie « nombril de Dieu » ? Une belle curiosité pour moi aussi, surtout qu’y étant, c’est durant mon séjour que j’apprends pour la première fois que la Tunisie autrefois s’appelait Ifrikiya. Je ne pouvais l’imaginer, et je suis certain que comme moi, beaucoup de subsahariens qui y sont arrivés ou y arrivent, l’ignorent. Ils ignorent comme beaucoup de Tunisiens aussi ignorent qu’ils sont sur le continent Africain. Et l’ignorance, vous devez le savoir, est la mère de nombreux vices.
Cependant, ce n’est pas pour vous enseigner sur les vices que j’ai voulu vous écrire. Non. C’est pour féliciter votre vertu en cette période de crise sanitaire mondiale. De là où je suis actuellement dans mon pays, je n’ai pas manqué l’occasion de suivre l’actualité, de me rendre compte que les uns et les autres se sont mobilisés pour apporter leur soutien à la communauté subsaharienne. De là où je suis, j’ai vu des individus mettre les mains à la poche, à la pâte pour apporter à manger aux subsahariens. De là où je suis, j’ai vu des entreprises s’engager à soutenir matériellement les uns et les autres. J’ai vu, et très humblement, admirablement, je dis MERCI A TOUS.
Je dis MERCI à toutes les âmes de bonne volonté qui ont compris que l’HUMAIN n’a ni couleur ni origine. Que face à la maladie, à la mort, nous sommes tous pareils. De grandes nations aujourd’hui sont complètement à genoux (et si au moins c’était pour reconnaître l’autorité du TRES HAUT), complètement paralysées, anéanties. Toutes les activités humaines ont été interrompues. Et ceux qui pensaient que l’argent est le dieu, leur dieu, aujourd’hui comprennent que tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Alors, il vaut mieux être proche de l’humain pendant qu’on vit, il faut secourir l’humain, privilégier l’humain… et c’est ce que je vous ai vu faire.
Peuple Tunisien, il y a des jours où, victimes d’actes de racisme, d’insultes, cette communauté subsaharienne a crié vers vous et certains se sont bouchés simplement les oreilles. Mais, aujourd’hui, vous n’avez pas été sourd à sa souffrance, vous avez couru à son secours, lui apportant à manger, à boire, lui offrant un toit. Que le Ciel vous bénisse en retour.
Maintenant que Nous, Humains, avons compris que l’on peut mourir ; maintenant que nous avons vu que malgré nos efforts, nos inventions, nous sommes incapables de stopper la mort, je vous prierai de bien vouloir prendre plus soin les uns les autres. Je vous exhorte à nous accueillir sur vos Terres comme on vous aurait accueilli chez nous. Je vous exhorte à nous traiter comme vous auriez souhaitez qu’on vous traitât chez nous. Je vous exhorte, parce que je sais que vous êtes capables d’aimer, capables d’aider. Je vous exhorte, parce que vous êtes comme moi, parce que vous êtes moi, et parce que moi je suis vous.
Du Cameroun, recevez mes salutations fraternelles,
Très Bon Ramadan à tous. » Jawâl Fawzi